En collaboration avec le Conseil européen du risque systémique et la Banque centrale européenne, l’EIOPA a souhaité axer son exercice autour de l’évaluation du risque de transition des entreprises. C’est le risque majeur qui pèse sur les investissements des IRP.

Stress test climatique de l’EIOPA : un scénario unique de transition soudaine et désordonnée

Le risque de transition résulte des ajustements liés à la transition vers une économie bas carbone. Cette transition passerait notamment par une baisse de la valeur des actifs jugés trop émetteurs de gaz à effet de serre. Par exemple, un vecteur de ce risque peut être l’évolution réglementaire qui pénaliserait, voire interdirait, certaines activités jugées trop émettrices en gaz à effets de serre.

Un unique scénario de transition soudaine et désordonnée vers une économie bas carbone, dans le but d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050, a été proposé par l’EIOPA. A l’instar de l’ACPR lors de l’exercice pilote climatique mené en 2020, l’EIOPA s’est appuyée sur les travaux préalables du Network for Greening the Financial System (NGFS).

Lire notre article : « Exercice pilote climatique : que faut-il retenir des conclusions de l’ACPR ? »

Les IRP des 18 pays dont les encours couverts par ces entreprises dépassaient 500 millions d’euros à fin 2020 étaient invitées à se prêter à l’exercice. La France entrait dans ce périmètre. Ce sont finalement 187 IRP qui ont été challengées par le stress test, pour un volume de 1 980 milliards d’actifs, soit 65,3% du marché total des 18 pays visés.

Bien que l’évaluation de l’exposition et de la vulnérabilité des IRP au risque de transition climatique soit l’objectif clé du stress test proposé par l’EIOPA, cette dernière a également demandé aux entreprises participantes de procéder à une analyse qualitative d’une part de leur politique ESG et d’autre part de leur exposition à l’inflation et des mécanismes mis en place pour atténuer l’effet sur les revenus de retraite.

Une exposition forte des IRP aux risques de transition climatique

Les résultats obtenus ont démontré la forte exposition des institutions aux risques de transition climatique. L’EIOPA tire deux principales conclusions.

1ère conclusion. Le scénario de transition désordonnée induit une baisse de 255 milliards de la valeur des actifs, soit une baisse relative de 12,9%. La baisse du passif due à la hausse des taux sans risque atténue l’impact de ces pertes sur l’actif, mais ne le compense pas entièrement. Au global, le taux de couverture des engagements à prestations définies diminue de 2,9 points de pourcentage (les engagements à cotisations définies disposent par nature d’une taux de couverture de 100 %).

2ème conclusion. Plus de 90 % des IRP prennent en compte les facteurs ESG lors de la définition de leur politique d’investissement. Néanmoins, les IRP rencontrent encore des obstacles pour allouer les investissements aux catégories sensibles au risque climatique.

Stress test climatique : intégrer d’autres scénarios pour mieux piloter les stratégies d’investissement

Ce premier exercice de stress test climatique pour les IRP s’inscrit dans une volonté toujours plus forte des superviseurs de vouloir préparer au mieux les acteurs du marché de l’assurance aux évolutions futures de notre économie. Il a permis de faire un large état des lieux des expositions aux risques, des politiques ESG et des techniques d’atténuation du risque de transition prévues par les institutions.

Toutefois, l’unique scénario de transition proposé représente une vision limitée des trajectoires économiques futures. D’autant qu’il est probable que tous les objectifs de l’accord de Paris ne seront pas atteints en 2050. Il serait alors intéressant d’intégrer plusieurs autres scénarios de transition dans les évaluations menées par les entreprises et transformer cet exercice en un outil de pilotage des stratégies d’investissement. Par ailleurs, l’approche retenue par l’EIOPA, qui consiste à retenir une hypothèse de choc instantané sur les investissements actuels des IRP et évaluer un impact du risque de marché sur un bilan statique, est une limite forte de l’exercice.

Enfin, si la directive IORP II, qui régit l’environnement prudentiel des IRP, devait être révisée alors celle-ci comporterait sans aucun doute des critères d’appréciation (quantitatifs ou qualitatifs) des risques climatiques qui pèsent sur l’activité des IRP. Pour autant, seules quelques IRP françaises ont participé à cet exercice. D’une manière générale, les institutions financières ont tout intérêt à fournir les efforts nécessaires à la bonne intégration de ces risques. D’autant qu’il faut s’attendre à la multiplication de ce type d’exercice à l’avenir.