Les nouvelles règles de déductibilité des charges financières

Chaque société non membre d’un groupe fiscal intégré et chaque groupe intégré fiscalement détermine son propre résultat fiscal. Les charges financières peuvent être déduites en partie du résultat fiscal, permettant de réduire l’assiette taxable, et donc la charge d’impôt.  

De nouvelles règles applicables aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019 redéfinissent le cadre applicable en matière de déduction des charges financières. Le dispositif de déduction des charges financières est devenu plus complexe et demande de suivre une démarche rigoureuse. Dorénavant, le dispositif de déduction des charges financières de droit commun est notamment adossé à l’EBITDA fiscal. Cela peut permettre à certaines entreprises réalisant un bénéfice élevé au titre d’un exercice de déduire un montant important de charges financières. 

A l’inverse, les sociétés qui sont en situation de sous-capitalisation sont pénalisées par l’application d’un plafonnement du montant des charges financières déductibles réduit par rapport au régime de droit commun. 

Comment identifier le montant des charges financières nettes déductibles du résultat fiscal, notamment en cas de sous-capitalisation ? 

Charges financières déductibles : un nouveau dispositif de limitation

L’article 34 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a procédé à une réforme d’ensemble du régime de déductibilité des charges financières des entreprises, en transposant notamment la règle de limitation des intérêts d’emprunt prévue par l’article 4 de la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.1 

Ces dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019. Celles afférentes au régime particulier de déduction des charges financières nettes supportées par les entreprises autonomes s’appliquent quant à elles aux exercices clos à compter du 31 décembre 2019.

1. Les méthodes de déductibilité des charges

Le schéma ci-dessous permet d’identifier la méthode applicable pour déterminer le montant des charges financières déductiblesIl convient de préciser que la déduction des charges financières nettes s’applique aussi bien au niveau d’une entité unique qu’au niveau d’un groupe fiscal intégré  

  • Pour les sociétés qui ne sont pas en situation de sous-capitalisationle montant des charges financières déductibles est égal au montant le plus élevé entre 3 millions d’euros et 30% de l’EBITDA Fiscal. Une déduction complémentaire est applicable aux sociétés consolidées en intégration globale, égale à 75% du montant des charges financières non déduites via le précédent plafond. La totalité des charges financières nettes non déductibles du résultat est reportable sur les 4 exercices suivants.
  • Dès lors qu’une société est en situation de sous-capitalisationil faut déterminer :
    • le montant des charges financières nettes déductibles liées à la situation de sous-capitalisation, qui seront déductibles au montant le plus élevé entre 1 million d’euros et 10% de l’EBITDA fiscal. Le montant non déductible est reportable à hauteur d’1/3 sur les exercices suivants.
    • le montant des charges financières nettes déductibles non liées à la situation de sous-capitalisation, qui seront déductibles au montant le plus élevé entre 3m€ et 30% de l’EBITDA fiscal. Le montant non déductible est reportable sur les exercices suivants. 

CFN : Charges financières déductibles

Méthode applicable pour déterminer le montant des charges financières déductibles - CFN

2. Règle de droit commun : 3m€ ou 30% de l’EBITDA fiscal

Ce nouveau dispositif, conformément à l’article 212 bis du CGI, autorise la déduction des charges financières nettes du résultat fiscal dans la limite du plus élevé des deux montants suivants : 3 millions d’euros ou 30 % de l’EBITDA fiscal. La déduction des charges financières nettes, dans la limite du 30 % de l’EBITDA fiscal ou 3 m€, s’applique aussi bien au niveau d’une entité unique qu’au niveau d’un groupe fiscal intégré.

a. La notion de charges financières nettes ou « CFN »

Inclus dans le périmètre des CFN
  • Gains et pertes de change relatifs à des prêts, des emprunts et des instruments liés à des financements ;
  • Frais de garantie relatifs à des opérations de financement;
  • Frais de dossier liés à la dette ;
  • Paiements effectués dans le cadre des prêts participatifs ou d’emprunts obligataire ;
  • Montants déboursés au titre des financements alternatifs (via plateformes en ligne etc…) ;
  • Amortissement des intérêts capitalisés inclus dans le cout d’origine d’un actif ;
  • Intérêts réhaussés dans le cadre d’une procédure prix de transfert (par référence à des comparables) ;
  • Intérêts payés au titre d’instruments dérivés ou contrats de couverture portant sur les emprunts de l’entreprise (yc. swaps de taux ou devises) ;
  • En cas d’opérations de crédit-bail, location avec option d’achat ou de location de biens mobiliers conclue entre entreprises liées, le montant des loyers déduction faite de l’amortissement, de l’amortissement financier pratiqué par le bailleur et des frais et prestations accessoires facturés au preneur ;
  • Tous les autres coûts ou produits équivalents à des intérêts susceptibles d’être comptabilisés en charges ou produits financiers (ex. escomptes bancaires, versements faits dans le cadre des avances en compte courant d’associés etc…).
Exclus du périmètre des CFN
  • Pertes sur créances liées à des participations ; 
  • Charges ou gains nets sur cession de valeurs mobilières de placement ; 
  • Dividendes ; 
  • Revenus distribués ; 
  • Charges et produits liés aux escomptes commerciaux ; 
  • Pénalités et intérêts de retard sur paiement tardif ainsi que les intérêts moratoires ; 
  • Pénalités pour remboursement anticipé (yccomposante financière des indemnités de résiliation anticipée d’un contrat de crédit-bail).

Dans le cas d’un groupe intégré fiscalement, les charges financières nettes du groupe correspondent à la somme algébrique des charges et produits financiers de chaque société membre du groupe. Les entités membres d’un groupe fiscal intégré sont regardées comme une entité unique : les charges financières nettes supportées par le groupe sont déductibles dans la limite de 3 millions d’euros ou 30 % de l’EBITDA fiscal du groupe, calculé à partir du résultat d’ensemble, le montant le plus élevé étant retenu.

b. Calcul de l’EBITDA fiscal

L’EBITDA fiscal (« earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization ») correspond quant à lui au résultat fiscal soumis au taux normal de l’impôt sur les sociétés, retraité principalementdes charges financières nettes, des amortissements et des provisions pour dépréciation. Il inclut également le résultat net des concessions de licence d’exploitation de brevets ou autres actifs de propriété industrielle relevant du taux réduit d’imposition de 10 % en vertu du nouvel art. 238 du CGI.

c. Mécanisme pour une entité consolidée en intégration globale

Une entité consolidée en intégration globale peut bénéficier d’un complément de déduction égal à 75 % du montant des charges financières nettes non admises en déduction au titre du premier plafond, à condition que le ratio entre ses fonds propres et l’ensemble de ses actifs soit égal ou supérieur à ce même ratio déterminé au niveau du groupe consolidé (un écart de 2 % est admis).

d. Cas pratiques

  • Cas d’une société qui n’est pas sous-capitalisée 

Une société n’est pas considérée comme sous-capitalisée lorsque son ratio d’endettement est inférieur à 1,5. Un nouveau dispositif de limitation de déductibilité des charges financières - cas d’une société qui n’est pas sous-capitalisée

  • Société non sous-capitalisée et en intégration globale

Pour une société non sous-capitalisée et en intégration globale, il est possible de déduire 75 % du montant des CFN non admises en déduction au titre du précédent calcul, si son ration fonds propres / actifs est = ou > à celui du groupe (marge : 2%).

Un nouveau dispositif de limitation de déductibilité des charges financières - cas d'une société non sous-capitalisée et en intégration globale

Dans ce cas, la société peut déduire de son résultat fiscal 7 125 000€ de charges financières nettes, et reporter 875 000€ de charges financières nettes sur les 4 prochains exercices.

3. Plafonnement en cas de sous-capitalisation

Selon l’article 212-bis VII du CGI, une entreprise est sous-capitalisée lorsque le montant moyen de ses dettes vis-à-vis d’entreprises liées au sens de l’article 39, 12 du CGI excède une fois et demie le montant de ses fonds propres, apprécié au choix de l’entreprise, à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice. 

Ainsi, une société est sous-capitalisée lorsque le ratio d’endettement suivant est supérieur à 1,5 :

Plafonnement en cas de sous-capitalisation - ratio d'endettement

 

 

A noter : les fonds propres inférieurs à zéro sont considérés comme nuls pour ce calcul.

a. Montant mis à disposition par les entreprises liées

Sont considérés comme montant mis à disposition par les entreprises liées :  

  • Sommes perçues dans le cadre de prêts participatifs, d’emprunts obligataires d’opérations de financement 
  • Sommes perçues au titre d’instruments dérivés ou de contrats de couverture portant sur les emprunts de l’entreprise 
  • Endettement lié aux opérations de crédit-bail, de location avec option d’achat ou de location de biens mobiliers  
  • Endettement lié aux escomptes bancaires et opérations équivalentes (affacturage, cession Dailly, titrisation) 
  • Sommes perçues dans le cadre d’avances en compte-courants d’associés 
  • Sommes perçues dans le cadre de financement alternatif, assimilable à un emprunt. 

Ne sont pas considérés comme des sommes mises à disposition par des entreprises liées :   

  • les intérêts versés dans le cadre de conventions de cash-pooling ou de contrats de location financière intragroupe (opérations visées à l’art. L 313-7 du Code monétaire et financier).  
  • les sommes laissées ou mises à disposition des établissements de crédit ou des sociétés de financement (art. L. 511-1 du Code monétaire et financier).

b. Conséquence de la sous-capitalisation

Dans cette situation les charges financières nettes déductibles de l’entité sont réduites par rapport à la règle de droit commun. L’entité doit identifier le montant des charges financières nettes liées à la sous-capitalisation et celles qui ne le sont pas, selon le calcul suivant : 

Montant des CFN non liées à la sous-capitalisation : CFN x (Montant moyen des dettes des entreprises non liées + 1,5 x FP*) / Dettes 

  • Ces CFN devront appliquer le plafond de droit commun, càd 30% de l’EBITDA fiscal ou 3M€ sur 12 mois. Les CFN non déductibles durant l’exercice pourront être reportés sur les 4 exercices suivants. 

Montant des CFN liées à la sous-capitalisation : CFN x (Montant moyen des dettes des entreprises liées – 1,5 x FP*) / Dettes 

  • Ces CFN devront appliquer un plafond réduit par rapport à celui de droit commun, càd 10% de l’EBITDA fiscal ou 1m€ sur 12 mois. Les CFN non déductibles durant l’exercice pourront être reportés à hauteur d’1/3 de leur montant sur les 4 exercices suivants.

c. Exemption de sous-capitalisation

Les seuils de sous-capitalisation ne sont pas applicables si le ratio d’endettement global du groupe est supérieur ou égal au ratio d’endettement de la société. 

  • Ratio d’endettement du groupe =  Dettes du groupe (sauf intra-groupe) / Fonds propres du groupe consolidé  

Dans ce cas, le plafond de déduction des CFN correspond à la règle de droit commun, càd 30% de l’EBITDA ou 3 m€ sur 12 mois et un complément de 75% si les conditions d’exigibilité sont respectées, autrement dit : Société consolidée en intégration globale avec un ratio fonds propres / actifs égal ou supérieur à celui du groupe consolidé (un écart < ou = à 2% est admis).

d. Cas pratiques

  • Cas d’une société sous-capitalisée

Une société est considérée comme sous-capitalisée lorsque son ratio d’endettement (Montants mis à disposition par les soc. Liées / fonds propres) est supérieur à 1,5.

Plafonnement en cas de sous-capitalisation - Cas d’une société sous-capitalisée Plafonnement en cas de sous-capitalisation - Cas d’une société sous-capitalisée

4. Sources

 

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